Calme-toi, Iago.

Publié le par O2

Les heures ont passé, après avoir déposé mon sac à la consigne de la gare routière, j'avais marché une bonne heure jusqu'au centre de Santiago, j'avais le temps, je préférais mes pieds à tout bus ou taxi.

 

Métro fermé, cafés fermés, office de tourisme fermé, cyber cafés fermés... patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, disait quelque bonne gens. Le soleil étant au rendez-vous, j'avais vaqué à mon occupation favorite: m'asseoir au soleil et attendre. Et observer.

 

Je demeure perplexe devant l'activité des santiaguinos (nouveau mot pour mon maigre vocabulaire) le dimanche matin. Il ne font... rien. Ils attendent, comme moi. Ils sont assis sur les bancs de la place d'Armes, au soleil, contemplant les fleurs, cuvant leurs derniers litres d'alcool ou regardant les chiens passer.

 

Un café est ouvert et sa terrasse me fait de grands signes pour que je m'approche d'elle. Mais un rustre m'explique que la terrasse n'ouvre que dans une demie-heure, si je veux mon "jugo natural", ce sera à l'intérieur. Je crois qu'il ne sait pas bien à qui il parle. Moi, m'installer à l'intérieur quand il fait si beau dehors? Je m'en vais comme un prince.

 

Et justement, la cathédrale m'ouvre ses portes. Je n'ai rien à faire, une foule se presse à l'intérieur, on est dimanche... je rentre. On me fourre dans la main une médaille en me précisant bien "une seule", comme si je comptais en prendre toute une collection! Mon voisin n'en a pas eu, il est très déçu et son épouse fait de grands signes pour que l'on en donne une à son mari. Sans succès. Je regarde la mienne, un peu perplexe. Mais mon autre voisin, un homme un peu bizarre, à mi-chemin entre le gaucho et le clochard, aux odeurs... surprenantes, me fait comprendre par signes et sons guturaux que j'ai de la chance d'en avoir une, elle va être bénie. Trois baptêmes, trois confirmations, le gaucho-clochard qui se colle à moi à chaque fois que je me décale, justement pour éviter de le toucher et de le sentir, les portables qui sonnent (comme dans le bus, à 4 heures du mat et surtout, on répond bien fort pour faire participer tout le monde)... ainsi passe la messe.

 

C'est l'heure de la bénédiction des médailles. Le prêtre raconte l'histoire de "Santa Catalina" et de la médaille miraculeuse, "quelque part"  à Paris. Mes voisins lèvent leurs bras, ce sera à qui mettra sa médaille, ou tout autre objet qu'il souhaite voir bénir, au plus près du ciel et du prêtre. La mienne est au fond de ma poche, je ne la retrouve pas. Un regard du gaucho me fait comprendre qu'il vaut mieux pour moi que je la cherche, au risque sinon sans doute de brûler une éternité dans les entrailles de l'Enfer. Le prêtre justement demande aux cathéchumènes s'ils accèptent de rejeter Satanas. Ceux-ci accèptent, ça tombe bien.

 

Mon voisin le petit vieux et sa femme s'en vont, tristounets. Je les rejoins et je leur propose ma médaille. Le vieil homme n'en revient pas et accèpte ce cadeau tombé du ciel. Je pense que, depuis, il a dû brûler un cierge pour le salut de mon âme. J'ai aussi droit à un sourire et à des yeux étonnés de la part du gaucho. Que fait-il derrière moi celui-là? Je suis pourtant partie avant la bénédiction finale, pensant ainsi me débarrasser de lui. Errare humanum est. Santiago--Valparaiso--Isla-Negra 0714

 

Ce qui est bien, quand je sors de la cathédrale (dont l'intérieur me plaît beaucoup), c'est que l'office de tourisme est ouvert. Ce qui est moins bien, c'est que le gaucho-clochard (sans doute plus clochard que gaucho, d'ailleurs) me suit. A tel point qu'il met sa main sur la carte de Santiago que me donne mon interlocutrice, qui, surprise, demande si nous sommes ensemble. Non! réponds-je sans doute un peu prestement. Mais cela n'émeut pas vraiment mon "compagnon" qui continue à s'appuyer sur moi et à écouter fort attentivement ce que la santiaguina (vous allez le retenir, ce mot!) me raconte.

 

J'essaye de partir vite de là. "D'où êtes-vous?, me demande la dame. - De France. - Et d'où ça en France?", demande Claudo le gaucho. Est-ce que je t'en pose, moi, des questions??!

 

Vite, vite, vite, la terrasse. Ou plutôt, celle d'à côté, question de fierté. Entre temps, je crois que j'ai semé Claudo dans la foule. Merci pour le jus, naturel, paraît-il. Ils ont oublié de préciser qu'ils rajoutaient les deux tiers d'eau.

 

Je regarde les gens sur la place. Il y a deux employés debout sur leur machine à deux roues et moteur, qui tournent à la recherche de touristes, pour leur donner des informations. Je les vois qui hésitent devant moi. J'engage la conversation et leur pose des questions sur ce que je pourrais voir. Mais un malotru vient nous interrompre, qui s'excuse au bout de deux minutes (bien aimable!) et le chilien à qui je parlais a le culot de répondre que "non, ce n'est pas grave, continuez!". Et moi alors? Macho. 

 

A moins qu'il ne m'ait prise pour une chilienne avertie, n'ayant pas besoin de ses services... De fait, l'Autrichien (car je crois que le malotru est autrichien) lui demande si l'office de tourisme est ouvert. L'éminent responsable du tourisme à Santiago répond... qu'il n'en sait rien. Mais moi, je sais, puisque j'en viens. Je donne donc moi-même la réponse à l'Autrichien, tout en précisant au Chilien que s'il a besoin de plus d'informations sur Santiago, il n'a qu'à me demander.

 

Le reste de la matinée est passé entre internet, pour essayer de savoir où je dois retrouver mes amis le soir et une rapide visite du centre ville. L'architecture du quartier Paris-Londres (ou, plutôt, des rues Paris et Londres), les édifices publics des alentours, les jardins très fleuris. L'été se respire à pleins poumons. Tout le monde est d'ailleurs habillé comme en été, sauf moi, qui ne peux enlever ces chaussures de montagne (quand tout le monde est en tongue!) et suis habillée comme dans le bus, c'est à dire avec de quoi lutter contre la climatisation. Autant dire que je sue comme un buffalo grillé.

 

J'arrive au Mercado central, pour le déjeuner. C'est une halle ultra touristique où l'on trouve tous les produits de mer que l'on veut, ancienne, assez jolie, bondée de restaurants dont les serveurs vous harponnent comme des baleines pour venir déjeuner chez eux. Mais j'ai une adresse: Donde Augustino. C'est Emilie (de ma fac, et qui est à Santiago), qui me l'a donnée. Donde Augustino, c'est le plus grand restaurant du Mercado central. Les serveurs se font un plaisir de m'apporter une "reineta", poisson de la région, assortie de nombreuses blagues, que je ne comprends pas toutes, et éclats de rire. Des musiciens circulent, c'est le cirque tout court.

 

Je savoure mon poisson et ma purée, c'est très bon. Ce qui est brimant, en revanche, c'est qu'il est bientôt 14 heures, heure locale, soit 18 heures en France, soit 17 heures à Londres... et que se passe-t-il ce dimanche 28 novembre à 17 heures à Londres? R versus R, Rodgeur affronte Nadal, en finale des Masters. La télévision du restaurant l'annonce, un certain texto que je reçois aussi et... je dois partir! Non seulement parce que j'ai rendez-vous avec Emilie, mais aussi parce qu'il fait trop beau dehors pour rester enfermée à regarder un écran. Mais, tout de même, je ne pars pas l'esprit tranquile.

 

Je décide d'aller me promener au bord du Mapocho, la rivière qui apparaît dans un beau bleu sur mon plan, entourée de plein de vert. Un endroit qui doit être joli, sûrement propice pour une petite sieste en attendant Emilie.

 

Hou, la gadoue, la gadoue, la gadoue... euh, le Mapocho, pardon! Il a un peu plus d'eau que le Manzanares de Madrid, mais pas tellement plus. Et la belle eau bleue transparente... euh, l'eau boueuse qu'il déverse sert de décor aux quartiers qui le jouxtent et dans lesquels de nombreuses personnes vendent à même le sol objets bizarres et fruits.

 

Je décide de me rabattre vers le "parc forestal". Une forêt en plein Santiago, cela doit avoir de l'allure! Ce n'est qu'une large allée bordée d'arbres, autour du musée des beaux arts. Mais cette allée a l'avantage de présenter une exposition de photos sur le thème "Santiago, contrastes dans ma ville", très intéressante. J'y vois un Santiago que j'ai déjà vu (les photos datent de la veille), avec un homme richement vêtu cotoyant un mendiant démembré, ou un chien debout à côté d'un homme allongé sur une plaque d'égoûts, ou encore le sapin de Noël en métal devant la cathédrale. Une photo qui manque et qui aurait été la mienne si le thème avait été "Santiago, contrastes pour Européens", serait celle de la devanture d'un magasin, présentant sapins de Noël et Pères Noël d'un côté, maillots de bain de l'autre...

 

Petite pause soleil (alors que mes voisins sont tous allongés à l'ombre des arbres) et je retrouve Emilie. Elle m'emmène visiter la Chascona, maison de Pablo Neruda à Santiago, qui porte ce nom en honneur à sa troisième épouse, Matilde Urrutia, qui avait beaucoup de cheveux ("chasco" en quechua veut dire cheveu, je crois).

 

Je découvre que tout y est fait pour recevoir des amis (le bar suit immédiatement la porte d'entrée) et pour se croire dans un bateau. Neruda se disait un marin en terre. La forme de la maison, les motifs, les tableaux, la décoration, tout rappelle la navigation. C'est très intéressant.

 

Nous partons ensuite pour le Cerro San Cristobal, une des nombreuses collines de Santiago, d'où l'on a une vue sur la ville et la cordillère. Il fait très chaud, nous y montons en funiculaire, la descente s'effectuera à pied... C'est très sympa, Emilie me donne plein d'explications sur sa ville et ça fait plaisir de la revoir, qui plus est, hors du contexte parisien habituel. Santiago--Valparaiso--Isla-Negra 0716

 

Le retour me semble interminaaaable. J'ai l'impression que je n'arriverai jamais à temps pour retrouver les Allemands du Navimag et aller à la fête de Thanksgiving de leur amie. Mais nous arrivons enfin à un métro, je retraverse la ville pour aller récupérer mon sac et retourne d'où je viens car je viens d'apprendre que la fête est annulée et que mon pote allemand habite à la station de métro où Emilie m'avait déposée!

 

Je débarque chez eux sale, exténuée, chargée comme un baudet. Dans le métro, personne pour m'aider. A la sortie juste, une Australienne qui, si, connait ça, m'a aidé à porter un sac.

 

C'est cool de se revoir. On rit, on trinque, on a du mal à y croire. Je suis ravie que la fête soit annulée, ainsi je profite mieux d'eux et on se couche plus tôt, nous sommes tous les trois épuisés. Ils partagent le même lit, je dors sur le canapé, les pieds qui en dépassent.

 

Lundi, je me fais réveiller à 6 heures du matin par Uli qui part au travail... de toute façon, à 9 heures je suis mise dehors, car c'est au tour de Michael de devoir partir et il n'y a pas assez de clefs pour tout le monde.

 

Je vais découvrir le quartier de la Moneda, en attendant de pouvoir joindre Claire, ma cousine issue-issue de germaine qui vit dans les parages de Santiago et qui m'est totalement inconnue, mais j'ai l'impression que certains intéressés restés en France se sont arrangés pour que je fasse connaissance avec toute la diaspora familiale.

 

J'assiste à un défilé militaire, c'est la relève de la garde. Un peu de Londres en vert et sans bonnet à poils d'ours, de l'autre côté de l'océan. Je petit déjeune sur la place, y écris des cartes (au soleil, bien sûr!) pendant que les gens qui partent travailler me scrutent avec étonnement (et envie?).

 

Mes pas me portent ensuite vers la colline de Santa Lucia, d'où l'on peut avoir une autre vue sur Santiago. La colline est à peu près jolie, mais la vue est décevante, on ne voit pratiquement que des barres d'immeubles. Enfin, au loin, il y a toujours la Cordillère, mais avec la pollution qui règne à Santiago, la vue n'est plus celle qu'avait Neruda à son époque.

 

Après moult péripéties dont je vous passerai l'ennui, je retrouve Christian, le compagnon de Claire, qui m'emmène à l'arrêt du bus qui doit me mener chez eux. Lui a autre chose à faire. Le bus arrive, je monte dedans, retenant bien les explications de Christian pour arriver à la "Communauté écologique" (non, ce n'est pas une communauté hippie!).

 

Mais, première surprise, à Santiago, on ne peut prendre le bus qu'avec des cartes prépayées, qui se rechargent dans le métro. Du coup, le chauffeur refuse ma monnaie, mais accèpte de me laisser monter gratuitement. Ensuite, lorsque je lui demande de me laisser à tel arrêt, pour aller à la communauté écologique, il me dit que cet arrêt n'est pas celui pour l'endroit où je veux aller. Passons, il me laissera au bon arrêt. Seulement, lorsqu'il me fait signe de descendre, la cordillère se trouve devant moi. Or, Christian m'a bien précisé de ne descendre qu'au moment où, le bus faisant demi-tour, la cordillère se trouverait dans mon dos. Le chauffeur me dit de monter le chemin sur quelques mètres... ce que je fais, en me demandant où je suis et comment je vais faire pour contacter Christian sur cette route, sans téléphone, à des kilomètres de Santiago. Je monte, je ne vois rien. Je croise un policier, qui me dit que je dois en fait descendre. Je redescends, cette communauté ne doit pas être bien loin. Et de fait, un Chilien à qui je demande pour la troisième fois mon chemin me répond: "Mon amour, la communauté écologique, c'est tout ça!". Euh, merci bien... Ciao!

 

J'arrive enfin chez Claire! Elle m'accueille super bien, à coup de pot de glace aux cookies et de pause au soleil à côté de la piscine. Un ou deux quiproquo, trois ou quatre nota bene sur le déjeuner font que le pot de glace sera mon déjeuner. Mais chut, faut pas lui dire!

 

Nous faisons connaissance et elle me montre sa maison, absolument extraordinaire et entièrement faite par elle et Christian. Elle me raconte tous les déboirs de la construction et de son acclimatation aux ouvriers chiliens. Avec les ouvriers, Christian et Claire ont construit les bases, les piliers, le toit, la piscine, tout, tout tout. Ils ont leur potager, des pièces immenses, très claires et très bien décorées. Autour d'eux, la cordillère et une vue de Santiago. Ils sont heureux ici, dans ce coin un peu spécial, et je les comprends. Santiago--Valparaiso--Isla-Negra 0723

 

L'après-midi passe, très intéressante. Puis,Christian me ramène au métro et je pars dîner au restaurant avec Uli, Michael et une autre allemande. C'est la dernière soirée ensemble.

 

Mardi matin, nouveau réveil à 6 heures... C'est le départ. Nouveaux adieux. Prochaine destination: Valparaíso.

Publié dans Chili

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